Relance et Défis de la Filière Oignon au Sénégal

Par Aly NDIAYE, Chargé de communication de l’Interprofession Oignon du Sénégal

Moustapha SY
By Moustapha SY
8 Min Read

L’oignon, ce légume présent dans le plat quotidien du sénégalais, joue un rôle crucial dans l’économie agricole nationale. Cependant, malgré son importance, la filière oignon est confrontée à des défis majeurs qui entravent son développement. Et pourtant l’Etat du Sénégal a déployé beaucoup de moyens pour que le pays atteigne l’autosuffisance. Cependant tout porte à croire que ces politiques ne prennent réellement pas en compte les vrais défis du secteur et n’impliquent pas les acteurs concrets du secteur.  Dans cet article, nous examinons ces défis et proposons des solutions pour relancer cette filière essentielle, au grand bonheur du consommateur et du producteur sénégalais.

Les Défis Essentiels

1. Implication Concrète des Acteurs

L’implication active de tous les acteurs est essentielle pour redéfinir les axes stratégiques de la filière oignon. Il est impératif de prendre en considération les idées et l’expérience des producteurs, des transformateurs, des distributeurs, des fournisseurs d’intrants et des chercheurs. Le dialogue ouvert et la collaboration entre ces parties prenantes permettront d’élaborer des politiques et des programmes adaptés à la réalité du terrain. Aujourd’hui la plupart des producteurs locaux ne font que subir les politiques prédéfinies par les acteurs en cravates qui ne maitrisent pas les réalités du métier. La filière apparait comme un écosystème dans laquelle chaque élément joue un rôle prépondérant. Si l’Etat parvient à synchroniser les différentes actions de chaque maillon dans l’ensemble, les autres défis vont facilement suivre.

2. Accès à la Terre

L’accès à la terre est un défi majeur pour les producteurs au Sénégal. Trop souvent, les terres fertiles sont accaparées par des hommes politiques ou des spéculateurs grâce aux privilèges que leur confère leur statut. Certains producteurs se sont vus dépossédés de leurs terres par de grandes industries par ce qu’ils ne maitrisent pas les rouages de la règlementation foncière. L’exemple de Ndengler est assez illustratif. Cette situation crée beaucoup de conflit et limite les capacités de production des producteurs locaux.

Pour relancer la filière, il est impératif de faciliter l’accès des producteurs à la terre. De prendre des mesures telles que la réforme foncière et la mise en place de coopératives agricoles pour contribuer à résoudre ce problème.

3. Accès à l’Eau

L’eau est une ressource vitale pour l’agriculture et particulièrement pour la culture de l’oignon. Avec la profondeur des nappes dans certaines zones ou l’éloignement des point d’eau, il est très difficile pour les producteurs de disposer des moyens nécessaires pour irriguer leurs champs. Pour les forages, le mètre coute entre 80.000 et 100.000 frs CFA.

Il est important aujourd’hui que l’Etat soutienne le coût avec les producteurs afin d’équiper les champs, de forages solaires pour garantir un approvisionnement régulier en eau. Les investissements dans l’infrastructure hydraulique sont essentiels pour augmenter la productivité et la qualité des oignons consommés par les sénégalais. Il en est de même pour la revitalisation des vallées fossiles .

4. Modernisation de l’Irrigation

Le Sénégal a assez de terres cultivables pour être autosuffisant en oignon, mais les systèmes d’irrigation traditionnels ne favorisent pas l’augmentations des rendements et nécessitent une main d’œuvre conséquente pour arroser de grandes superficies, ce qui a un coût très important sur le compte d’exploitation.

Il faut aménager de grandes surfaces avec des systèmes d’irrigation modernes tels que le goutte à goutte, les pivots centraux et d’autres méthodes efficaces pour améliorer considérablement les rendements et réduire la dépendance aux pluies.

5. Accès aux Machines Agricoles

Les tracteurs et autres machines agricoles sont indispensables pour optimiser les rendements. Malheureusement au Sénégal les programmes de dotation de ces engins arrivent rarement aux vrais destinataires, c’est-à-dire les producteurs locaux. Avec le système mis en place elles sont souvent distribuées au non ayant droit .

L’Etat doit trouver une stratégie assez transparente pour faciliter l’accès direct des producteurs à ces équipements via la digitalisation. Des programmes de financement et de location de machines peuvent également aider à surmonter ce défi.

6. Coordination avec les Fournisseurs d’Intrants

Chaque année on note beaucoup de retard sur le démarrage de la compagne. Cela est due en grande partie au retard de disponibilité des intrants. Les fournisseurs peinent à être payer pour pouvoir amener à temps les intrants.

Une collaboration étroite entre l’Etat et les fournisseurs est nécessaire pour permettre d’anticiper les besoins et de faciliter le démarrage à temps des activités agricoles car, la disponibilité en temps opportun des intrants tels que les engrais et les semences est essentielle pour la réussite de la filière.

7. Allègement des Conditions d’Accès au Crédit

Les charges de production pour une campagne agricole sont très importantes. Pour faire face, les producteurs ont besoin de financements des institutions financières pour investir dans leurs exploitations. La Banque Agricole (LBA) fait un travail assez intéressant dans ce sens mais il reste encore d’autre facteurs à redéfinir. Par exemple simplifier les procédures d’accès au crédit et offrir des taux d’intérêt compétitifs pour encourager la croissance de la filière oignon.

8. la mise en place d’infrastructures de stockage adaptés

Dans une perspective d’impacter positivement la balance commerciale à travers une stratégie d’import-substitution le Sénégal gagnerait a travailler en étroite collaboration avec le secteur privé national pour un investissement massif sur les infrastructures de stockage. Ces investissements structurants en mode PPP permettront de développer la contractualisation avec les petits producteurs pour éviter les pertes post-récoltes et faciliter la mise en marché des produits. A titre d’exemple des initiatives comme BAYSEDDO investissant dans le stockage et travaillant en étroite collaboration avec les organisations de producteurs et les pouvoirs publics malgré les lenteurs administratives méritent d’être mis à l’échelle pour favoriser le développement de champions locaux dans ce domaine qui boosterons l’industrialisation de la filière.

Conclusion

La relance de la filière oignon au Sénégal nécessite une approche holistique, impliquant tous les acteurs et mettant en œuvre des solutions concrètes. Ensemble, nous pouvons surmonter ces défis et faire de l’oignon sénégalais un symbole de prospérité et de durabilité. En définitive,  pour une réelle souveraineté alimentaire, il urge que le développement de la filière horticole au sens large du terme soit porté par le secteur privé national et qu’on ose créer des champions sénégalais.

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